Psycho-praticienne libérale

Le dispositif gouvernemental « Mon soutien psy » a été présenté comme une avancée pour la santé mentale en France. Il propose aujourd’hui jusqu’à 12 séances de suivi psychologique, remboursées à hauteur de 50 euros, sans ordonnance. Mais derrière cette vitrine rassurante se cache une mécanique aux effets pervers, dénoncée par une majorité silencieuse… et exclue.

Un dispositif rejeté par la profession

Le rejet massif du dispositif n’est pas anodin : 84 % des psychologues libéraux éligibles ne s’y engagent pas. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il ne s’agit pas d’un corporatisme de confort ou d’un refus d’aider, mais d’une contestation de fond.

Ce dispositif a été conçu sans réelle concertation avec l’ensemble de la profession. Une seule structure, la Fédération Française de Psychologie, a été impliquée dans sa mise en place — alors même qu’elle ne représente qu’une infime portion des psychologues en exercice. En l’absence d’une représentation plurielle, les décisions ont été prises sans tenir compte de la diversité des pratiques, ni de la complexité du travail psychique.

Une mesure qui affaiblit le service public

Au lieu de renforcer les structures existantes de santé mentale — centres médico-psychologiques (CMP), universités, établissements scolaires, secteur médico-social — le dispositif « Mon soutien psy » externalise les soins vers le secteur libéral en imposant un modèle à bas coût. Cela revient à déshabiller l’hôpital public pour habiller un système sous-financé, sans résoudre les vrais problèmes d’accès.

Le coût du programme (environ 170 millions d’euros par an) pourrait financer entre 3 500 et 4 000 postes de psychologues dans le service public. Ce serait un gain bien plus stratégique, notamment dans les milieux où la précarité psychique est criante.

Prenons l’exemple des étudiants : on compte un psychologue pour 15 000 à 30 000 étudiants, alors que les normes recommandent un pour 1 500. Multiplier par dix le nombre de professionnels serait cohérent avec l’enjeu de santé publique. Même constat à l’Éducation nationale : un psychologue scolaire pour 2 000 élèves, quand il en faudrait un pour 1 000. Le besoin est donc doublé… mais la réponse institutionnelle est une rustine libérale.

Pourquoi je n’en fais pas partie

Je fais partie des professionnels volontairement non conventionnés. Ce choix n’est ni une posture militante pure ni un rejet du principe d’accessibilité financière. Il s’agit d’un refus de compromettre la qualité de mon engagement thérapeutique.

Voici pourquoi :

  • Ma pratique repose sur une approche psychanalytique ou psychodynamique, dans laquelle le cadre, le rythme, la durée et le lien transférentiel sont essentiels.

  • Je considère que le temps psychique n’est pas normable : chaque parcours est unique, et réduire la thérapie à un forfait risque d’aggraver la souffrance plutôt que de l’alléger.

  • Le cadre imposé par l’État impose une hiérarchisation implicite entre les praticiens, excluant de fait une part importante de ceux qui exercent autrement mais tout aussi légitimement.

  • Enfin, en acceptant le dispositif tel qu’il est, je validerais une logique qui fragilise le tissu de la santé mentale libérale, sans améliorer structurellement l’accès aux soins (notamment en zone rurale ou en cas de troubles graves).

Et maintenant ?

Nous avons besoin d’une réforme ambitieuse, co-construite avec la profession, qui prenne en compte :

  • La diversité des approches psychothérapeutiques ;

  • La liberté de cadre et de pratique des professionnels ;

  • Une politique d’accès au soin fondée sur la qualité et non sur le volume.

En l’état, « Mon soutien psy » est un outil mal ajusté, conçu à distance du terrain, et qui ne peut remplir correctement sa promesse.

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